Grèves sans précédent dans le secteur santé : Une prime qui dévalue la valeur humaine
Jusqu’à quand le droit à la vie et à la santé du citoyen béninois sera-t-il bafoué ? C’est la question qui court les lèvres avec le durcissement de ton par le Front uni des organisations des syndicats de la santé (Fuoss). Les populations dépassées invitent au respect des valeurs humaines.
22 des 26 syndicats des paramédicaux et autres personnels administratifs des hôpitaux et centres de santé publics réunis au sein du (Fuoss) ont abandonné blouses et malades. Ils réclament au pouvoir le relèvement, aux 12.000 paramédicaux et autres, de la prime de risque qui est de 6.000 Fcfa.
Tout à commencé en juillet 2008. Sur demande des organisations du secteur, le gouvernement décide d’accorder la prime de risque. Les mieux lotis sont les médecins qui ont reçu 100.000 Fcfa contre seulement 6.000 Fcfa pour les autres. Cette répartition n’est pas appréciée par ces agents. C’est alors qu’ils ont exigé au gouvernement de corriger le tir en portant à la hausse ces 6.000 Fcfa. Le gouvernement a accédé à cette requête mais n’est pas parvenu à l’honorer depuis deux ans. C’est la pomme de discorde entre le gouvernement et les syndicats. Actuellement, le secteur de la santé vit le martyr avec la paralysie des activités par les agents. Après les trois mois de grèves observés en 2008, les paramédicaux ont repris depuis un mois les débrayages avec 72 heures de grève par semaine. Cette situation n’est pas sans conséquence désastreuse sur la vie des populations. Tout le monde sait que le secteur de la santé reste et demeure celui qui touche directement à la vie humaine. Or, l’exercice de la profession santé est régi des règles déontologiques. L’agent s’engage à donner ses soins à l'indigent et à quiconque le lui demandera ; à ne pas se laisser influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire ; à tout faire pour soulager les souffrances ; à ne jamais prolonger abusivement les agonies des patients et à ne jamais provoquer la mort délibérément.
Fort de cela, qu’est ce qui peut expliquer la situation que les populations vivent depuis deux ans dans les centres de santé publique qui sont d’ailleurs les plus majoritaires et les plus fréquentés dans le pays ? Pour Fatiou Alao Yessoufou, coordonnateur du FUOSS, le gouvernement est le seul responsable de la situation qui prévaut. « C’est lui-même qui a crée l’injustice en octroyant 100.000 Fcfa aux médecins et seulement 6.000 Fcfa aux paramédicaux alors que les risques sont les mêmes. Ça fait deux ans qu’il promet de corriger la situation mais jusqu’à présent, il ne fait rien ». « Nous avons quatre points mais la seule chose que nous demandons au gouvernement, c’est de prendre formellement par écrit l’engagement de nous payer cette prime de risque ; on ne demande pas de nous payer tout de suite. C’est la condition sans laquelle il n’y aura pas de levée de notre motion de grève », complète-t-il. Il sera renchéri par Vincent Ehoulé, le secrétaire administratif du Fuoss. Pour lui, l’agent a droit à la grève et c’est un droit internationalement reconnu pour tous les travailleurs. A l’issu de la dernière rencontre du front avec le gouvernement dirigée par le ministre du d’Etat Pascal Iréné Koukpaki, le gouvernement a reporté les discussions sur cette question en février 2011. Pour le ministre de la santé, le Pr Issifou Takpara, la restriction budgétaire ajoutée à la situation économique qui prévaut ne permet pas au gouvernement de faire des certaines manœuvres. A cela, il ajoute le fait que cette nouvelle charge n’était pas budgétisée. Mais pour le Fuoss, ‘’ trop c’est trop !’’. « Tout le monde sait que le mois de février 2011 sera un mois de pures activités politiques au vues des élections de mars 2011. Nous ne voudrions pas nous laisser embarquer dans une projection qu’on sait d’avance échouée » réfute le coordonnateur du Fuoss. Au cours de sa dernière sortie médiatique, le front a durci le ton en affichant son engagement de poursuivre chaque semaine la grève de 72 heures sans service minimum. Aussi, a-t-il décidé de boycotter le 4ème tour des journées nationales de vaccination (JNV) des 17, 18 et 19 décembre 2010 et de boycotter les rapports statistiques mensuels d’activités des formations sanitaires.
La réquisition, une mesure inefficace
Pour trouver une solution à cette crise, les autorités sanitaires, en dehors du déploiement de 200 appelés au service militaire d’intérêt national dans quelques formations sanitaires, ont évoqué la réquisition de certains agents. Mais sur le terrain, cette réquisition n’est ni perceptible ni efficace. Selon les textes en vigueur, c’est le 1/5 de l’effectif en poste au jour du mouvement de grève qui est réquisitionné. Et quand on sait l’effectif qui compose les centres de santé, il alors clair qu’à chaque débrayage, les hôpitaux soient fermés. En deux ans, ces multiples grèves ont suffisamment crée des dommages aux populations. La paralysie fréquente de la quasi-totalité des hôpitaux et centres de santé pays est devenue une légalité. Même le service minimum exigé par les textes, outre le Cnhu et l’Homel, n’est pas respectée. Seuls ceux disposant de gros moyens s’offrent le service des cliniques privées.
Les populations dépassées et désabusées
Les populations béninoises ne peuvent indéfiniment rester sans soins. Tout homme a droit à la vie et à la santé et l’Etat en tant que garant de ce droit doit pouvoir mettre en place les mesures adéquates. Jean H. usager rencontré à l’hôpital de zone de Suru-Léré n’apprécie guère cette situation qui perdure. « Les grévistes doivent mettre de l'eau dans leur vin et se rappeler que c'est de vies humaines qu'il est question. Il ne faudrait pas qu'ils oublient leur engagement et deviennent des "assassinats" à cause de la situation, même s’ils sont dans leur droit. Ils doivent penser à la justice divine. Aussi, je demande au gouvernement de faire quelque chose pour les apaiser ». Cet avis est le son de cloche que partagent les populations béninoises qui se disent très embêtées par la situation. C’est alors que des voix sensibles se lèvent pour demander aux grévistes de mettre de l’eau dans leur vin. « Nous comprenons les difficultés des agents qui sont celles de tous les travailleurs béninois de façon générale (...) mais nous leur demandons vraiment d'accepter pour des raisons humanitaires d'assister les malades, (...) de venir en aide à ces malades qui n'ont aucun recours », a martelé dame Sagbohan P.
Norbert HOUESSOU
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