Secteur santé au Bénin
Quand les hôpitaux publics sont plus malades que les patients
(Nécessité de redéfinition de la pyramide sanitaire du pays)
La ministre de la santé du Bénin, le Pr Dorothée Kindé Gazard, s’est lancée, depuis quelques semaines, dans un périple national de constat au niveau des formations sanitaires relevant du public. L’objectif de ces descentes inopinées est de mieux s’imprégner de l’état réel des structures sanitaires de même que le point sur les prestations dans ces centres sanitaires. De Cotonou jusqu’au Nord du pays en passant par le centre, et les régions de l’Est et de l’Ouest, le constat est bien décevant. Les centres de santé du public sont plus que malades que les malades qui les visitent.
Le Bénin dispose-t-il de centres publics de santé de référence où le patient peut tirer une entière satisfaction des prestations qui lui seront faites ou qu’il recevra ? Absolument pas. Pas même le CNHU Hubert Koutoukou Maga qui de plus se plonge dans un labyrinthe de problèmes. Hormis Homel qui peut faire la différence parce venant fraichement de bénéficier de l’appui du Japon dans la rénovation, la compétence sanitaire est à revoir dans le pays. Et pourtant, le pays dispose d’émérites ressources humaines pour le domaine. Tout porte à croire que c’est la politique sanitaire qui ne porte pas.
Au Bénin, la quasi totalité des centres publics sont malades ; malades non pas d’un seul mal mais des maux. Le Pr Dorothée Kindé Gazard, depuis sa nouvelle prise de service à la tête de ce département, cerne de mieux en mieux l’ampleur de la situation. Il y a de problème partout et c’est comme si rien n’a été fait auparavant et que tout est à reprendre en matière de santé au Bénin. C’est bien l’impression qu’a actuellement le commun des mortels, à voir tout ce qui se passe et tout ce que les usagers des centres de santé du public vivent au quotidien.
Pour preuve, courant mi juin au le CNHU Hubert Koutoukou Maga, la ministre de la santé, lors de sa première descente sur le terrain, n’avait encore rien vu avant d’afficher la nécessité de revoir la pyramide sanitaire du pays. A travers sa tournée nationale effectuée, elle se rend déjà compte de l’immensité de la tâche à abattre pour redonner vie aux formations sanitaires au Bénin. Dans cet hôpital de référence qui est sensé faire la différence, les problèmes sont tellement légion que les efforts déployés aussi bien par le personnel soignant que l’administration sont peu perceptibles ; ces efforts sont noyés pas les problèmes qui surgissent au quotidien. Jusqu’à la date de la visite de la ministre, ce grand hôpital ne dispose pas encore de textes réglementaires qui pourtant sont élaborés depuis quatre ans. Aussi, l’Etat ne met-il que peu de moyens alors qu’au même moment, il se retrouve curieusement être le plus gros débiteur pour cause des multiples prises en charge dont font usage les agents permanents de l’Etat et qui sont restées impayées. Au CNHU, le plateau technique est désuet alors qu’il y a une très grande affluence de malades. Le débordement est visible et inquiète même. A la pédiatrie, la ministre a pu constater l’absence d’un service interne d’urgence, des lits et berceaux déjà fatigués. Au service des urgences c’est la gestion du flux des malades en grand nombre. A cela s’ajoute l’état vétuste des équipements du laboratoire, l’absence de certains réactifs.
A Porto-Novo, la situation est encore catastrophique. Dans cet hôpital, rien ne fonctionne convenablement. Les appareils médico-techniques sont en panne depuis des années, d’autres sont insuffisants ou même inexistants. Au Chd de Porto-Novo, le système de climatisation centrale du bloc opératoire est vétuste et n’offre pas de garanties pour une bonne intervention chirurgicale, il n’y a pas d’ambulance pour l’évacuation systématique des cas graves ; il n’y a pas de stérilisateur depuis 5 ans. 3 des 4 aspirateurs dont dispose le centre sont en panne. Quand au stérilisateur acquis depuis 5ans, il n’a jamais fonctionné. A cela il faut compléter le problème de manque de personnel.
A Savalou, à Bantè, à Bassila, à Djougou, à Natitingou, Agatogbo, Hèvé, Agouè et Comè comme dans tous les autres structures sanitaires du pays, c’est le même plateau de problèmes qui se présente. Des problèmes d’équipements, de manque de matériels médico-techniques ; la vétusté des matériels existants sont les plus récurrents, le manque de personnels qualifiés et l’absence de spécialistes. Tellement les problèmes et dysfonctionnement sont énormes qu’on se pose la question de savoir ce que font réellement les gestionnaires des hôpitaux du Bénin. La tâche semble immense et la ministre l’a compris et l’a bien spécifié maintes fois.
En réalité, il se pose un véritable problème de fonctionnement dans les hôpitaux publics et autres centres de santé du pays. Et il est actuellement prioritaire de poser le diagnostic du secteur afin de trouver le remède adéquat pour le redresser, pour le remettre en place et faire marcher à nouveau toute la pyramide sanitaire béninoise. Le Pr Dorothée Kindé Gazard a le devoir de prendre le taureau par les cornes. « Aux grands maux, les grands remèdes » dit un adage. Il n’est plus question de lésiner sur les moyens au risque de voir d’ici là le peu qui reste s’effondrer comme un château de carte. En plus de cela, le redéploiement du personnel sanitaire est très nécessaire. Les défaillants doivent être relevés de leur poste et permettre à d’autres plus expérimentés de prendre les choses en main. Pour ce faire, il faut changer les donnes ; il faut redistribuer les cartes en exigeant des acteurs du secteur et plus précisément des dirigeants des formations sanitaires et le personnel soignant à divers niveaux, des bonnes pratiques et le compte rendu immédiat tant au plan administratif que sur la gestion des épidémies. Il faudrait dorénavant tabler sur la compétence, la qualification, l’amour pour la profession et l’engagement de se mettre résolument au service des communautés, partout où besoin sera. Les grèves intempestives qui ont caractérisé le secteur jusque là doivent disparaitre. Pour y parvenir, l’Etat doit aussi jouer son rôle et mettre à dispositions de tout le secteur les moyens nécessaires car une mission exige nécessairement des moyens.
Il est vrai que la ministre ne dispose pas d’une baguette magique pour tout faire dans un laps de temps, mais il urge de mettre en place une politique claire de redéfinition de la pyramide sanitaire du pays et d’impliquer les communautés à la base dans la gestion de ces centres de santé. En recevant il y a quelques jours tous les directeurs départementaux de la santé et les directeurs des hôpitaux de zones et autres, l’opinion publique se rend à l’évidence que la ministre a bien comprise les enjeux et c’est d’ailleurs ce qui justifie sa déclaration « Notre secteur n’est plus performant. Ce n’est pas moi qui le dis, mais ce sont les usagers des hôpitaux et les partenaires techniques et financiers qui se plaignent. Notre secteur a mal et je ne suis pas fière. Il y a des dysfonctionnements que nous pouvons corriger même sans avoir de grands moyens ».
Au cours de son périple dans le Mono-Couffo, la ministre a également reconnu qu’il faut la réhabilitation des unités villageoises à travers l’extension des services de santé. Ce sont de pareilles mesures qui pourront amener les acteurs du secteur de la santé et les populations à mieux s’investir pour des soins de qualité dans le pays et faire renaitre de ses centres le secteur de la santé est mourant.
Le Pr Dorothée Kindé Gazard, est bien certain qu’il est possible de relever le secteur, qu’il est possible que la santé soit au cœur du développement, qu’il est possible que chaque citoyen ait droit à des soins de santé de qualité et à moindre coût. Pour avoir eu le privilège d’avoir franchi toutes les étapes dans le secteur elle sait que c’est possible de changer les indicateurs. Il est alors temps qu’elle remette au travail tous les acteurs du secteur pour qu’ensemble ils puissent relever les grands défis du secteur de la santé et permettre au Bénin de répondre présent au rendez-vous de 2015 en matière des Omd.
Norbert Houessou
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